vendredi 20 juin 2008

Fernand Léger

Une fois de plus, la Fondation Beyeler nous présente une magnifique exposition qui se tiendra jusqu’à l’automne sur ce peintre que nous pensons connaître, mais dont la peinture se révèle plus complexe quand nous la voyons étalée sur une période de presque cinquante ans. L’idée que nous nous faisons du peintre est celle d’un style figuratif librement inspiré du cubisme, reconnaissable aux formes tubulaires, aux carrés et aux cercles à travers de puissants jeux chromatiques et encore grâce aux fortes zones d’ombre et / ou de contrastes de couleurs.
Or, ce Lèger - là c’est celui des années 20 - une peinture profondément influencée par De Chirico, les surréalistes, le Picasso du « retour à l’ordre » et même le constructivisme. Il y reviendra dans les années 50, mais son art ne peut se résumer à cela. Tout d’abord, sa peinture des années 10 nous étonne, car elle reçoit des influences multiples – Picasso, bien sûr, mais aussi – et je dirai même, surtout, Robert et Sonia Delaunay, Albert Gleizes et Amédée Ozenfant.
Le « cubisme » de Léger, auquel n’est pas étranger aussi celui de Braque et de Juan Gris, et le constructivisme russe, est ainsi un creuset d’expériences, mais son style est indéniablement original et volontairement moderne. Les Disques, de 1918, inaugurent une nouvelle phase que l’on pourrait appeler géométrique et orphique, mais l’essentiel est déjà là : les structures mécaniques converties en éléments géométriques – tubes, cylindres, carrés, cercles -, et la recherche de créer un espace avec tout cela, et surtout un espace moderne, d’usines, de couleurs et de mouvement de la ville.
Fernand Léger est un peintre des villes et des espaces des villes. Le défi industriel l’attire. Il peint des hommes dans cet espace imbriqué, des hommes tubulaires, comme les usines, la production en chaîne, les gratte-ciels. L’Amérique le séduit et elle est séduite par lui. Il y réalisa sa première exposition individuelle en 1925, mais son premier voyage date de 1931.
Une nouvelle décennie s’ouvre dans la production de l’artiste. Le figuratif y revient, un figuratif stylisé, plus décoratif qu’avant, mais plus poétique aussi. Léger cherche, et il se cherche, après avoir médité Matisse (La liseuse, mère et enfant, 1922 ; La danse, 1929), et à nouveau Picasso (Les trois musiciens, 1930), et puis encore Cézanne (La femme au compotier, 1924).
Voilà peut-être la clé, Cézanne et sa réduction des objets dans l’espace aux figures géométriques primaires, à la sphère, au cylindre, au carré et au triangle. Mais la guerre et son exil forcé aux Etats Unis (il s’y trouvait quand la guerre a été déclarée), l’ont fait évoluer. Léger devient un peintre abstrait, le figuratif disparaît au profit de formes qui se profilent dans l’espace dans des couleurs très vives, jusqu’à l’effacement de la couleur comme dans la série des Plongeurs. 
De retour en France en 1946, Léger revient de nouveau à la figure, et à la méditation des « classiques ». La Partie de campagne de 1952 – 1953, une de ses œuvres les plus ambitieuses de ces dernières années, est une réflexion sur l‘insertion de la figure dans la nature, comme le Déjeuner sur l’herbe de Manet. Mais la modernité est toujours là et dans Deux femmes tenant des fleurs, de 1954, le dessin des figures est associé à des plages de couleur primaires, inscrivant des tableaux dans le tableau. Ellsworth Kelly – et avant lui Roy Lichtenstein – furent, chacun à leur façon, des artistes pionniers qui décelèrent la prodigieuse leçon de peinture de Fernand Léger. La présence des œuvres de ces artistes vis-à-vis de leur matrice inspiratrice est une des raisons de plus pour ne pas rater cette exposition.

1 commentaire:

almajecta a dit…

Secou? ou já não acha graça ás idolatrías da moderneirada do XX.
Vamos lá.